Le premier des anniversaires… de l’Albion

L’Albion est un brouepub de Joliette spécialisé en reproduction de bière de style anglais. Je suis un chroniqueur qui revient d’un séjour de six mois en Angleterre. L’Albion fêtait son premier anniversaire le 26 novembre dernier. J’ai fêté mon anni… euh non, arrêtons les comparaisons.

L'Albion, Joliette

Pour son premier anniversaire, L’Albion s’est payé un petit trip. Ils ont reproduit une recette de bière de 1839, une méchante East India Pale Ale, présente dans le livre « Hops and Glory: One man’s search for the beer that built the British Empire » de Pete Brown, un célèbre chroniqueur de bière anglais. Ils ont aussi reproduit le voyage que celle-ci devait faire à l’époque pour être livrée dans les colonies. Pour ce faire, ils ont laissé la bière reposer dans un baril de chêne auquel ils ont appliqué les conditions d’un voyage en bateau de trois mois (le temps de l’Angleterre vers les Indes), c’est-à-dire des températures extrêmes et le mouvement de la houle. Pour rendre l’exercice encore plus attrayant, ils ont distribué le même brassin dans deux autres contenants aussi: un cask de métal subissant les mêmes conditions extrêmes que le baril de bois et un keg normalement disposé, destiné à être le témoin du caractère de la bière originale sans condition extrême.

L’expérience était très enrichissante. Pour la bière ayant séjourné en baril de chêne, et par la suite conditionnée trois mois en bouteille, on parle d’un bois très intense, presque asséchant, et d’une madérisation prononcée. (Je dis « on parle » parce que je n’y ai pas personnellement goûtée, les bouteilles s’étant envolées bien avant mon arrivée. Quelle tristesse.)

J’ai eu la chance d’avoir un verre des deux autres. La version témoin, non altérée, offerte en fût offrait un profil de blonde forte à la finale intensément amère. C’est normal, en 1839, une bière qui voulait prétendre survivre à un périple Angleterre – Indes se devait d’être forte en alcool et fortement houblonnée, le houblon étant un préservatif naturel.

L’autre version malmenée en cask de métal, et servie par gravité, était assez particulière. Cela m’a pris quelque temps (au moins un demi-verre) avant de retrouver la référence dans ma banque de goût mentale, c’était un goût que je n’avais jamais associé à la bière auparavant: celui du vin jaune.

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Le vin jaune est un vin blanc de la région du Jura en France. Sa principale caractéristique vient de sa technique spéciale de vieillissement en baril de chêne. J’explique: normalement, lorsque l’on fait vieillir un vin en baril de chêne, il y a une certaine partie d’alcool qui s’évapore par les pores du bois. C’est pourquoi les vignerons font de l’« ouillage », c’est-à-dire qu’ils ajoutent du vin pour compenser la partie évaporée et ainsi s’assurer que le vin ne s’oxyde pas trop rapidement. Les Jurassiens eux, avec leur vin jaune, n’ouillent pas le vin, et laissent vieillir le tout pendant 6 ans et 3 mois. Sur la surface du liquide dans le baril se crée une couche de levure, appelée « voile », qui atténue l’oxydation et donne un goût et une odeur typiques au produit, un mélange d’oxydation, de noisettes, de plein d’autres choses.
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Je crois que c’est la partie oxydée du vin jaune qui me rapprochait le plus de cette IPA vieillie en cask de métal. C’était en soi toute une expérience, pas désagréable du tout.

Moi qui est gêné de prendre des photos, ça donne ça.

Je ne peux finir cet article sans parler d’une autre de leurs bières. L’Albion, on l’a dit, se spécialise en ales de type Anglaise. Entre leurs délicieuses bitter, mild, porter, etc. se retrouve quelque chose de très spécial et je crois unique au Québec: une gruit ale. Ce type de bière est en fait ce qui se brassait avant que l’on découvre et utilise les propriétés aseptisantes et amérisantes du houblon. Le « gruit » était le mélange d’herbes que l’on ajoutait au moult de la bière pour l’aromatiser. Chaque brasseur avait son propre « gruit » ou allait s’approvisionner à l’abbaye la plus proche qui pouvait vivre un peu ainsi de la vente de son « gruit ». (Petit cours d’histoire gracieuseté de Alain Thibault, homme-orchestre, conseiller en bière au Balthazar Centropolis; ceci n’est pas une publicité gratuite, c’est un remerciement!) La gruit ale de l’Albion s’appelle Ealath. Oui un profil herbacé, mais surtout une bouche surette. Pas le même surette qu’une gueuze peut être. J’ai compris seulement le lendemain à quel surette ce surette faisait référence: le surette d’un kombucha. Vraiment, le même type d’acidité vinaigrée, mais quand même ronde que cette boisson développe. C’est bon, c’est différent, c’est unique. Je ne sais pas si cette acidité est tant voulu, il faudra que je parle avec le brasseur un de ces quatre, mais je sais que ça mérite d’être développé! Et je sais surtout que ça et leurs autres bières méritent un bon détour par Joliette!

(Bon, je vous laisse avec une dernière explication: qu’est-ce que le kombucha? C’est une boisson à base de thé sucré, fermentée avec différentes levures et bactéries réunies en un « symbiote », qui donne un liquide légèrement pétillant, au goût acide et fruité. À acheter dans votre magasin d’aliments naturels le plus proche si vous voulez essayer.)

1 commentaire

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Une réponse à “Le premier des anniversaires… de l’Albion

  1. Merci pour les bons mots! C’est toujours bien de savoir que ce que l’ont brasse intéresse les gens.
    Steven, brasseur de l’Albion

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